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La barque au tronc d’un saule est, là-bas, attachée.
Dans les taillis, Fausta monte à demi cachée ;
Sans choisir un sentier entre les chênes verts,
Elle marche au hasard ; tout à coup, à travers
Les branches dont ses mains écartent la barrière,
Un homme est aperçu, sanglant, sur la bruyère.
Des cheveux noirs, un simple et sombre vêtement.»
C’est un frère tombé sous le fer allemand !
Son souffle gémissant atteste encor la vie ;
Dieu ! sauvez ce soldat, ce fils de l’Italie !
Sur lui Fausta s’incline à genoux ; mais pourquoi,
Pâle, écarter ainsi les mains avec effroi ?
On dirait, à la voir s’appuyant à cet arbre,
Sur le gazon des morts une vierge de marbre.
Un soupir de Marco la réveille et lui rend,
Dans un rayon d’espoir son courage expirant ;
Elle se lève et court. Là-bas, sous ces vieux aunes,
La maison du pêcheur a connu ses aumônes ;
Elle y vole ; elle a su, chez ces hommes obscurs,
Se créer des amis au bras forts, aux cœurs sûrs.
Sa voix a fait bondir des serviteurs alertes ;
Ils montent, et bientôt un lit de branches vertes
A franchi l’humble seuil, et la flamme, au foyer,
Pour l’hôte aux pieds de glace, est prompte à flamboyer ;
Il a repris ses sens après un court délire,
Et le réveil de l’âme en ses yeux peut se lire.