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Mais tandis que la mort, qu’il espère et qu’il presse,
Dans les flancs du proscrit lutte avec la jeunesse,
La nuit descend, la nuit d’un beau jour de l’été ;
Elle éclaire le lac d’un reflet argenté,
Près des flots étoiles, dans la forêt plus sombre,
Elle étend sur Marco le voile de son ombre,
Et verse avec l’air pur, soufflant des monts Alpins,
Dans le sang du blessé la saine odeur des pins.


II

En son fort, dont le lac a verdi la muraille,
Herman, le pâle chef, vainqueur dans la bataille,
Rentre, et dans la grand'salle aux ténébreux arceaux,
À la hâte il suspend son épée aux faisceaux.

Son épouse, au métier assise à sa fenêtre,
N’a pas jeté sa laine en le voyant paraître ;
Son bras au cou d’Herman ne s’est pas attaché ;
A peine sur son front qu’elle garde penché,
Laisse-t-elle poser sans émoi, sans attente,
Le baiser qu’elle glace à la lèvre hésitante.
Debout devant Fausta, le chef aux cheveux blonds
Sur ce marbre sans voix fixe des yeux profonds ;
Et, retenant l’essor d’un amour qui le tue,
Contemple avec douleur l’orgueilleuse statue,
Ce front dont le dédain soumis cruellement
S’offre en docile esclave à sa lèvre d’ama