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Suivez les torrents et les fleuves,

Ô flot des générations !
Enrichissez de races neuves
Les plaines et les nations.

Placez vos tentes sur ma rive ;
Un secours vous viendra des eaux ;
Je tournerai la meule active,
Je porterai vos lourds vaisseaux.

Avec moi cheminez en foule :
Et chantez, peuple industrieux !
Dieu vous dit dans mon flot qui coule

Travaillez et soyez joyeux.



LE POÈTE.

Pauvre cœur, dupe, hélas ! de ta propre imposture,
Tu n’entends que toi-même à travers la nature !
L’esprit qui t’a parlé de joie et d’avenir
T’a promis, ô pasteur ! ce qu’il ne peut tenir.
Ainsi, pour t’affranchir de l’ennui qui te ronge,
Ô folle humanité, tu n’as que le mensonge !
Je trouve ta gaîté plus triste que mes pleurs,
Et mon front ne veut pas de ces trompeuses fleurs.
Va donc, et suis la voix de l’antique Sirène ;
Suis ton illusion qui parle et qui t’entraîne.
Au but de ton travail, à travers les chansons
Cours le long de ces flots, docile à leurs leçons !
Crois l’homme juste et bon ; crois les saisons propices,
Et joue avec les fleurs au bord des précipices.
La mer, la mer se creuse et va nous recevoir