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À ce bruit de mes flots parfois tu t’endormis :
Mais ce n’est pas la paix que ce sommeil te verse ;
Tu le sais, ô penseur ! les rêves que je berce
Ne sont rien moins pour toi que des rêves amis.

L’excès de la douleur, dans une âme affaissée,
Apporte aux malheureux un repos tout pareil ;
C’est en abolissant ta force et ta pensée
Que la rumeur de l’onde engendre ce sommeil.


LE PÂTRE.

Voici ce que nous dit la voix, proche ou lointaine,
Qui coule avec les eaux, torrent, fleuve ou fontaine ;
Voici ce que nous dit le bruit clair du ruisseau,
Du ruisseau qui gazouille aussi gai que l’oiseau :


LE TORRENT.

L’eau jaillit ! la roche déserte

Va répondre aux chansons des bois.
Je donne aux prés leur robe verte ;
Ils sont muets, je suis leur voix.

La vie autour de moi fourmille ;
Elle coule avec les ruisseaux.
J’abrite une immense famille ;
Un peuple entier vit sous mes eaux.

Sous chaque roche un hôte habite
Là, dans l’ombre et dans la fraîcheur,
Le saumon, l’anguille et la truite

Invitent la main du pêcheur.