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Qu’importeraient les fleurs si d’une bien-aimée
Nul n’en venait tresser la couronne embaumée !
Pourquoi la mousse épaisse et la fraîcheur des eaux ?
Pourquoi les voix de l’onde et le chant des oiseaux,
Si, de hêtres touffus discrètement couverte,
La couche au fond des bois devait rester déserte ?
Si le flot qui murmure autour des verts tapis
N’y berce mollement des couples assoupis ;
Et si l’oiseau d’amour par son chant plus sonore
Pour des baisers nouveaux ne les réveille encore,
Tandis que l’air chargé d’enivrantes odeurs
De leur lèvre altérée avive les ardeurs ?


ERWYNN.

Les ombres sur la mousse en réseaux découpées,
Les monts rayés de bois plus jaunis ou plus verts,
Les fleurs qu’un art secret parmi l’herbe a groupées,
Le nuage mobile aux mille tons divers,

Les sinueux détours des flots qui se poursuivent,
Le vol des grands oiseaux, les tourbillons du vent
Tracent au sein des airs et sur la terre écrivent,
Pour qui sait bien les lire, un langage vivant.

Ce bruit vague des airs, des oiseaux et de l’onde
Eveille mes pensées en éveillant tes sens ;
Ces parfums exhalant le désir qui t’inonde
Versent aussi dans moi des désirs plus puissants.

Ces souffles, ces rayons, ces chœurs de voix lointaines
M’arrachent à ce monde, importune prison ;