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ADMÈTE.

Surtout j’aime, ô campagne ! en tes vertes retraites,
L’asile et l’ornement qu’à nos amours tu prêtes ;
Tu répands à plaisir tes parfums sur le lit
Où dorment les amours, car l’amour t’embellit.
Pour qui n’y porte pas l’image d’une amante
Les champs mettraient en vain leur parure charmante ;
De mille fleurs, en vain, le vallon est semé ;
Nulle terre n’est belle où l’on a pas aimé.
Mais l’amour s’est sevré de voluptés sans nombre,
S’il n’a connu jamais les bois, la mousse et l’ombre ;
Si jamais au printemps, sous ses fraîches splendeurs,
Un vallon des plaisirs n’abrita les ardeurs.
Oui, qui n’a pas, à deux, marché par les prairies.
N’a jamais su du cœur les douces rêveries.
Oui, malgré les baisers, les pleurs, les noms touchants,
Nul ne sent bien l’aniour s’il ne le goûte aux champs.


ERWYNN.

Tu sers l’amour aux champs, et les champs m’en délivrent.
Si je chéris ces bois et le désert lointain,
C’est que les voluptés dont les forêts m’enivrent
M’ouvrent contre l’amour un refuge certain.

Sois bénie, ô Nature ! et reste souveraine.
Toi qui, pour des beautés que rien ne peut flétrir,
Me souffla cette ardeur profonde, mais sereine,
La seule dont le cœur n’a jamais à souffrir »