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L’urne de ta pensée, au toucher de l’amour,
Déborde en mélodie.

L’arbre a repris sa feuille et ses vertes couleurs,
Et ses divins murmures ;
Au moindre vent, ses fruits pleuvront avec des fleurs ;
Ses pommes d’or sont mûres.

Tresse, au bord du verger, tresse encor, pour demain,
Des corbeilles plus grandes,
Et va parer l’autel où ta stérile main
N’apportait plus d’offrandes.

Le désert t’a rendu cette vertu d’aimer
Que l’homme t’a ravie…
Et l’on nie à ce sein qui t’a pu ranimer
D’avoir en soi la vie !

Il répare en un Jour ces longs mois où l’ennui
Appauvrissait ta muse.
Tout s’accroît au désert, tout s’engendre de lui ;
Dans la cité tout s’use.

Crois-en donc à l’instinct qui t’y fait sentir Dieu :
La nature est vivante ;
L’infini coule en elle et t’abreuve, en tout lieu,
De joie et d’épouvante.

Oui, c’est Dieu qui circule en cet immense corps,
Dans la moindre corolle ;
Ces formes, ces couleurs, ces parfums, ces accords,
Tout n’est que sa parole.