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Que me font ces fruits d’or dérobés sur ta foi
Pour les goûter ensemble ?
Que me font ces beaux lieux où j’aspirais pour toi ?
J’y suis seule et je tremble.

Pauvre cœur, à jamais exilé de l’amour,
Mon supplice commence.
Pourrai-je sans mourir traverser tout un jour
Ma solitude immense ?


choeur de faunes.

Quand les fleurs tombent du rozier,
Quand mûrit le rouge alizier,
Quand les bois sont devenus jaunes,
Entre les ceps de pourpre et d’or,
Prompts à cueillir leur doux trésor,
Voici le chœur des joyeux Faunes.

Les jours ont perdu leurs clartés,
Les derniers fruits sont récoltés,
Mais il reste encor la vendange.
Le soleil, au fond du raisin,
Cache un feu pour l’hiver voisin :
En Bacchus Apollon se change.

Vois, sous les chênes dépouillés,
Danser les Faunes barbouillés,
Riant sous leur masque de lie.
Fardez ainsi votre pâleur ;
Le rire étouffe la douleur :
On la cache, et puis on l’oublie.