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Non pour nous endormir sur ses tapis de mousse,
Pour y suivre, en rêveurs, dans ces détours charmants,
Sous l’ombre où les oiseaux chantent de leur voix douce,
Les méandres de l’onde et les pas des amants ;

Non pour cueillir sans fin la fleur d’or sur les landes
Pour perdre nos printemps à tresser dans les bois,
À nouer de nos mains tant de folles guirlandes
Qui, l’automne arrivé, nous pèsent quelquefois.

Non ! c’est pour y tenter la cime inaccessible
Où les héros d’Arthur cherchaient le Saint-Graal.
À vous, audacieux qui pouvez l’impossible,
À vous d’y découvrir, d’y ravir l’idéal !

Faisons, si vous voulez, ce périlleux voyage,
Loin du sentier banal où notre ardeur se perd.
Montons, pour respirer la pureté sauvage,
L’héroïque vigueur qu’on retrouve au désert.

Venez vers ces sommets inondés de lumière ;
L’extase y descendra sur votre front bruni.
Sous ces chênes, vêtus de leur beauté première.
Imprégnez-vous là-haut d’un souffle d’infini.

Et, dans votre âme, avec le concert qui s’élève.
Avec le bruit du vent et l’odeur des ravins,
Quand vous aurez senti couler comme une sève
Tout ce que la nature a d’éléments divins,

Vous irez moissonner dans un autre domaine.
Dans un autre infini qu’on n’épuise jamais,