Celui qui cherchera la fleur de poésie
Ne la pourra cueillir, s’il n’est pareil à vous.
Aimez votre jeunesse, aimez, gardez-la toute !
Elle est de vos aînés l’espoir et le trésor ;
Portez-la fièrement, sans en perdre une goutte ;
Portez-la devant vous comme un calice d’or.
Peut-être on vous dira d’y boire avec largesse,
D’y verser hardiment le vin des passions ;
D’autres vous prêcheront l’égoïste sagesse
Qui rampe et se réserve à ses ambitions.
Mais aux vils tentateurs vous serez indociles !
La Muse vous conseille, et vous saurez choisir :
Restez dans le sentier des vertus difficiles ;
Votre âge a des devoirs plus doux que le plaisir.
À vous de mépriser ce qu’un autre âge envie,
Tout bien et tout renom qu’on acquiert sans efforts.
Dieu vous a faits si fiers, si purs, si pleins de vie,
Pour les belles amours et pour les belles morts.
Venez donc ! je vous suis, et nous volons ensemble ;
Nous remontons le cours du temps précipité ;
Vous me faites revoir tout ce qui vous ressemble,
Toute chose où rayonne un éclair de beauté.
Avec vous je suis jeune ; avec vous j’ai des ailes,
Vos ailes de vingt ans, l’espérance et la foi !
Ces deux vertus des forts, qui vous restent fidèles,
Me rouvrent votre Éden déjà trop loin de moi :
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