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Le passé, l’avenir, c’est l’heure où nous aimâmes…
Pour mon cœur, désormais, le temps n’existe plus.

Restons ici ! je veux éterniser cette heure.
Dans l’ivresse et la paix du bonheur assuré,
Je veux, à notre amour, bâtir une demeure
Sur la cime où par toi je fus transfiguré.


LE VENT DU CIEL.

Passez, le vent du ciel emporte encor ce rêve.
Toute paix, ici-bas, n’est qu’un moment de trêve.
L’amour habite ailleurs ;
Nul n’a bâti son temple et fixé son extase.
Partez, mais conservez le feu qui vous embrase
Pour un monde meilleur.

Je vous ramène à l’œuvre à qui Dieu vous envoie.
Reprenez le fardeau, chacun sur votre voie ;
Marchez-y sans remord.
Vous savez bien qu’un soir je dois venir encore
Vous enlever tous deux vers l’ineffable aurore,
Dans les bras de la mort.

Endormis et flottants sur mon souffle paisible,
Vous vous réveillerez sur le faîte invisible
Par Dieu même habité ;
Là seulement, payé du prix de votre attente,
Votre amour, dans les fleurs, pourra dresser sa tente
Et pour l’éternité.