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Et font, dès sa naissance, à l’âme de tout homme
Un germe de vertus des noms dont il se nomme.

À peine elle a reçu ce grain des fleurs du ciel,
Dont la terre à sa lèvre empruntera le miel,
La sœur de Béatrix, la rose bien nommée,
Se lève dans l’azur comme une aube enflammée.

Tout l’horizon s’embrase à sa vive rougeur ;
Son sourire a plongé dans les yeux du songeur,
Et, pour garder cette âme, active sentinelle,
La vision s’y fixe en sa grâce éternelle.

Par le songe ébloui, sitôt qu’à son réveil
L’adolescent revoit la terre et le soleil.
Il croit, au bord des prés, trouvant l’herbe si pâle.
Que la nuit s’y promène en ses sentiers d’opale.
En vain, pour l’attirer, les grands lis importuns
De leur robe d’argent agitent les parfums.
En vain sourit, tout près, la pourpre des cerises ;
Sous l’ambre et le carmin les fleurs lui semblent grises,
Si fort brille, à ses yeux, de l’éclat d’un brasier,
La rose ardente au sein du mystique rosier.