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Le coq vaillant chante avec joie
L’amour, la guerre et le travail.
Si l’épervier là-haut tournoie,
Lui, sous son casque de corail,
Fier, il vaincra l’oiseau de proie.
Le coq vaillant chante avec joie
L’amour, la guerre et le travail.

Les blés hauts et dorés, que le vent touche à peine,
Comme un jaune océan ondulent sur la plaine ;
D’un long ruban de pourpre agité mollement.
L’aurore en feu rougit ces vagues de froment.
Et, dans l’air, l’alouette, en secouant sa plume,
Chante, et comme un rubis dans le ciel bleu s’allume.

Mais déjà la faucille est au pied des épis.
Les souples moissonneurs, sur le chaume accroupis,
Sont cachés tout entiers, comme un nageur sous l’onde ;
Leur front noir reparaît parfois sur la mer blonde.
Plongeant leurs bras actifs dans les flots de blé mûr,
Ils avancent toujours de leur pas lent, mais sûr ;
Leur fer tranchant et prompt, à tous les coups qu’il frappe
Rétrécit devant eux l’or de l’immense nappe.
Derrière eux, le sillon reparaît morne et gris,
Les bluets sont tombés et les pavots fleuris ;
Et le soleil de juin, piquant comme la flèche,
Sur leur couche de paille à l’instant les dessèche.

Le sol brûle ; on dirait que la flamme a passé
Sur le terrain, déjà blanchâtre et crevassé.
Les faux marchent toujours, allongeant derrière elles
Les rangs d’épis tombés en réseaux parallèles,