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Par toi, dans l’ombre sainte, enfant des vieux Druides,
J’ai connu des grands bois le sublime frisson ;
Poursuivant l’infini des horizons fluides,
Par toi, des hauts sommets je fus le nourrisson.

Mon aile s’est ouverte au vent que tu déchaînes ;
Enivré de ton souffle, à l’odeur des prés verts,
J’ai senti circuler, de mon sang à mes vers,
L’esprit qui fait mugir les taureaux et les chênes.

Près d’une eau qui frémit sur son lit de gravier,
Sous l’aune où le geai siffle, où se rit la linotte,
De l’hymne universel m’enseignant chaque note,
Tu conduisis mes doigts sur ton vaste clavier.

Tu fus mon premier livre et mon premier solfège ;
Écolier, j’ai reçu mes plus sages leçons
De ces voix qu’on écoute en longeant les buissons ;
Tes soleils m’ont tiré de la nuit du collège.

J’appris des laboureurs et des batteurs de grain
Ce rhythme indéfini qui dans l’écho s’achève ;
Que de soirs j’ai trouvé, dans ce vague refrain,
Enfant un doux sommeil, jeune homme un plus doux rêve !

Le foyer et le champ, les récits de l’aïeul,
Tout ce qui pour le cœur compose la patrie,
Tous ces trésors que j’aime avec idolâtrie,
Cher pays de Forez, je les tiens de toi seul.

Tous mes fruits ont germé sur tes douces collines ;
Ma sève ne sort pas d’une immonde cité ;