L’homme est encor trop près d’eux.
Prends, pour éviter ses pièges,
Dans les rochers et les neiges,
Prends nos sentiers hasardeux.
Le chamois à barbe blanche
Au-dessus de l’avalanche
Monte avec son pied de fer ;
Le vieux chamois solitaire,
Le seul des fils de la terre
Qui soit resté libre et fier !
S’il te faut gras pâturage,
Lit de fleurs et tiède ombrage,
Retourne avec les troupeaux ;
Fuis ces rocs où le pied saigne ;
L’amant des hauteurs dédaigne
La richesse et le repos !
Jamais, au prix d’une chaîne.
Je n’ai dans la tourbe humaine
Accepté l’herbe ou le pain.
La liberté seule est douce ;
Avec elle un peu de mousse
Prise au tronc d’un vieux sapin.
Sous un joug, fût-il de soie,
Mon cou jamais ne se ploie
Comme celui du chevreuil ;
Et jamais une caresse
N’éteint, quand mon front se dresse,
Le feu sombre de mon œil.
Page:Laprade - Œuvres poétiques, Les Symphonies, 1878.djvu/178
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.