Page:Laprade - Œuvres poétiques, Les Symphonies, 1878.djvu/153

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


Le filet d’eau caché sous l’herbe, le buisson,
La touffe de bruyère,
L’épi, le brin de mousse, ont aussi leur chanson,
Ont aussi leur prière.

Bruit de la goutte d’eau monotone et plaintif,
Cri des feuilles froissées,
Où, seul, trouve un accent le poëte attentif
Aux choses délaissées,

Murmure inaperçu du brin d’herbe odorant
Qui tremble à ma fenêtre,
Tu sors, comme les voix du chêne et du torrent
Des entrailles de l’être !

Tu parles d’infini, comme sur les sommets
L’orgue des bois immenses,
Qui commencent aussi, sans l’achever jamais,
L’accord que tu commences.

Ainsi vous, cœurs perdus dans l’ombre et dans l’oubli,
Cœurs muets pour la foule.
Filet d’eau sous la pierre ou l’herbe enseveli,
Brin de mousse qu’on foule ;

L’harmonie est en vous, l’accord triste ou joyeux !
Et qui bien vous écoute,
Distingue avec amour le flot mystérieux
Qui filtre goutte à goutte.

Ce soupir contenu qui s’exhale à regret
N’en est pas moins sublime ;