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En vain un noir fantôme à tes côtés murmure,
En vain tout ce passé t’assiège en ton effroi,
Et les plus chères mains se dressent contre toi,
Je vis pour t’entourer d’une invisible armure.

Comme au temps où ma chair enfermait mon enfant,
Mon être entier frémit sitôt que tu tressailles ;
Ta mère sent, là-haut, près du Dieu triomphant,
Qu’elle te porte encore au fond de ses entrailles.

Va, Je sais tout de toi, les vertus et les torts ;
Je suis là comme aux jours où je pansais ta plaie ;
S’il passe à ton chevet un spectre qui t’effraie,
Moi, je te défendrai des vivants et des morts !


ÉDITH.

C’est donc vous, ô ma mère ! ô douce Providence,
Dont le cœur se donnait avec tant d’abondance ;
C’est vous, prête à quitter votre divin séjour
Pour me couvrir encor de pardon et d’amour !
Eh bien, lorsque j’entends votre voix indulgente,
Devant ce front heureux qu’une auréole argente
Le doute agite encor mon esprit révolté,
Le remords à mes pleurs mêle son âcreté ;
Je m’accuse, et, parfois, accusant Dieu lui-même,
Je sens frémir ma lèvre entr’ouverte au blasphème.
Car, malgré votre palme et ce bandeau de fleurs,
Je n’absous pas le ciel de vos longues douleurs,
Et mon cœur, si distrait par sa souffrance amère,
N’est pas guéri pourtant de la vôtre, ô ma mère !
Ah ! du moins si j’avais, à vous mieux soulager,