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À qui nous demandons leur sévère coup d’œil,
Confessant devant eux, sans honte et sans orgueil,
Les vertus ainsi que les fautes ;

Ceux qui, dans les travaux, les périls du chemin,
Combattaient à la fois du cœur et de la main,
Mieux que toi prenant ta défense ;
Ceux qu’on interrogeait, comme un passé vivant,
Sur ces vieux souvenirs racontés si souvent,
Ceux qui te rendaient ton enfance ?

Ceux-là n’ont pu lever le marbre du cercueil,
Pour donner le conseil avec le doux accueil ;
Leurs chères ombres sont absentes ;
Rien, pour eux, n’interrompt la morsure des vers :
Car on n’entend Jamais, des tombeaux entr’ouverts,
Sortir que des voix menaçantes.


AUTRES MORTS.

Nous sommes les plus froids d’entre les trépassés
Dormant dans la fosse éternelle ;
Nul cercueil n’a reçu nos cadavres glacés…
Mais ton âme les porte en elle.

Nos yeux sont sans regard, aussi bien que les yeux
Dont les vers ont creusé l’orbite ;
Nous marchons comme l’ombre, à pas silencieux…
Et pourtant notre chair palpite.

Nous vivions de ta vie, et le même soleil
Nous réchauffe encor l’un et l’autre ;