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Là, tu peux, d’un pas qu’elle allège,
Suivre encor tes lieux favoris,
Avant que la fange ou la neige
Du passé couvre les débris.

Viens saisir à leur jour propice,
Par la brume à demi voilés,
Les murs que le lierre tapisse
Et les vieux donjons écroulés.

Quand l’essaim des feuilles jaunies
Tourbillonne encor sur les bois,
C’est une heure où les agonies
Ont encor quelques douces voix.

Avant de plus mornes bruines
Viens donc, sans attendre le soir,
Si tu veux revoir tes ruines
Sans blasphème et sans désespoir.


édith.

Oui, je veux les revoir avant des jours plus sombres,
Avant que sous mes pas le sol en soit glacé ;
Des choses que j’aimais j’aime encor les décombres,
Et, dès longtemps, mon cœur habite le passé.
J’attache à ses débris mon regard qui s’épure ;
J’y vois fleurir encor mes printemps révolus,
Et, dans tes mille voix, je démêle, ô Nature,
Et j’écoute parler les temps qui ne sont plus.