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Combien le désert était beau,
Combien la nature était pleine !
L’Automne, hélas ! a récolté
Tous ses fruits dont j’étais avide ;
J’ai touché la réalité…
La terre est vide.

Mon âme avait, dans un ciel bleu,
Des amours lointains et tranquilles ;
Je rencontrais partout mon dieu,
Même à travers la nuit des villes.
Aux champs, des esprits, par milliers,
M’emportaient dans leur vol rapide…
Plein jadis d’hôtes familiers,
Le ciel est vide.

Ce monde n’a plus d’horizon,
Il est muré par les ténèbres ;
Et moi, dans sa morne prison,
J’entends glisser des pas funèbres.
Je vois, sous l’habit des vivants.
S’approcher un squelette aride ;
L’homme a jeté son âme aux vents…
Partout le vide.