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Son front fait envier sa couronne d’éclairs
Aux jalouses collines ;

Vers les flots qu’il embrase, en voyant ondoyer
Ce torrent d’étincelles,
On dirait que ce faîte est le vivant foyer
Des clartés éternelles.

Mais l’ombre va bientôt couvrir du mont géant
La lave refroidie ;
L’astre éphémère issu du cratère béant
N’était qu’un incendie.

Rien n’éclora de lui ! Nul rayon créateur
N’en peut sur nous descendre ;
Il ne pleut sur nos champs, de ce soleil menteur,
Qu’une infertile cendre.

Toi donc, que ces hauteurs ont souvent ébloui,
Gravis un jour leur cime :
Tu trouveras, au lieu de l’astre évanoui,
La nuit froide et l’abîme !

Le sein de la montagne, en proie à ces ardeurs.
Se ronge et se consume ;
Il exhale à ses pieds les impures odeurs
Du souffre et du bitume.

Telle est la passion : brillant foyer d’abord,
Chaleur, clarté sans ombres ;
Puis sa lave se change, au cœur dont elle sert,
En cailloux durs et sombres.