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Joyeux des horizons et des fleurs découvertes,
Me perdre tout un jour.

Le soir, quand je reviens, plein de rêves sans nombre,
J’aime à voir en marchant
Le noir profil des monts découper sa grande ombre
Sur le soleil couchant.

Je tiens encor la clef des grandes harmonies,
L’âme des sons divers
Qui murmurent un peu des choses infinies
Dans l’étroit univers.

L’aspect de nos cités m’irrite et me désole :
Dieu ne s’y fait plus voir ;
Là, tout rire est amer, toute humaine parole
M’y souffle un désespoir.

Je vais aux champs ! Les prés, les oiseaux et les chênes,
Dès que l’homme s’est tu,
Tout me dit, m’invitant à des fêtes prochaines :
L’espérance est vertu.

Si j’ai cessé jamais d’adorer vos merveilles,
Ô terre, ô vastes cieux !
Quand vos bruits n’apprendront plus rien à mes oreilles,
Vos couleurs à mes yeux ;

Quand mon cœur n’aura plus une voix qui réponde
À vos divers accords…
C’est que j’habiterai dans l’invisible monde,
Délivré de mon corps.