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Je suis de mon âge. — Je ne recule devant aucun dégoût ; enthousiasmé, je me penche sur l’œuvre, saine ou malsaine, et, au delà des pudeurs et des puretés, j’aperçois tout au fond une grande lueur, la lueur du genre humain en enfantement. — J’ai le courage de mes admirations… ; je n’hésite pas entre les fortifiantes brutalités de la vérité et les brutalités doucereuses du mensonge. Pour moi j’ai dit combien je me sentais attiré par ce roman, malgré ses crudités. — L’artiste a le droit de fouiller en pleine nature humaine, de ne rien voiler du cadavre humain… Par grâce, laissez-le créer comme bon lui semble ; il ne vous donnera jamais la création telle qu’elle est ; il vous la donnera toujours vue à travers son tempérament. — À ceux qui prétendent qu’il va trop loin, je répondrai qu’il ne saurait en principe y avoir de limite dans l’étude de la vérité. Ce sont les époques et les langages qui tolèrent plus ou moins de hardiesse ; la pensée a toujours la même audace. — Cette littérature du ruisseau aux senteurs âcres et fortes, qu’on lit mal à l’aise et goûtant des délices étranges, est un des produits de notre société qu’un éréthisme nerveux secoue sans cesse. Nous sommes malades de progrès, d’industrie, de science ; nous vivons dans la fièvre et nous nous plaisons à fouiller les plaies, à descendre toujours plus bas, avides de connaître le cadavre du cœur humain. » (Pages 67-84.)