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hommes et les choses, les passions et les vices, les actes humains et physiques qui constituent une sorte d’inventaire ; le second est un anatomiste qui, analysant avec conscience le document humain, placé dans certains milieux, doit, à l’aide de l’observation expérimentale, le suivre dans un évolutionnisme déterminé, et en déduire des conditions intellectuelles, morales et sociales, fatalement matérialistes ou mécaniques.

Le réalisme rend la nature telle qu’elle est, le naturalisme, telle qu’il croit qu’elle doit être ; l’un semble la subir, l’autre s’impose à elle. Champfleury, le réaliste, couronne de choux en tête et grelot au cou, proclame le réalisme un art naïf, individuel et indépendant qui a pour but de photographier la nature telle qu’elle se présente à l’œil réaliste ; Zola, le naturaliste, couronne de laurier au front, baptise le naturalisme l’art savant qui observe et documente, dans des milieux donnés, un coin de la nature vu à travers un tempérament. On le voit, Champfleury, dont se garde bien de parler Zola, qui saute pardessus sa tête pour se déclarer le fils de Balzac et le petit-fils de Stendhal, est le précurseur immédiat de ce messie ingrat ; il lui a laissé une formule toute faite ; un art naïf, individuel et indépendant qu’il n’a eu qu’à digérer légèrement, après avoir pris une infusion romantico-réaliste dans Flaubert, pour en faire un art savant qui observe et