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sur les probabilités.

question suivante, a beaucoup exercé les géomètres. Paul joue à croix ou pile, avec la condition de recevoir deux francs s’il amène croix au premier coup ; quatre francs s’il ne l’amène qu’au second ; huit francs s’il ne l’amène qu’au troisième, et ainsi de suite. Sa mise au jeu doit être, par le huitième principe, égale au nombre des coups ; en sorte que si la partie continue à l’infinie, la mise doit être infinie. Cependant, aucun homme raisonnable ne voudrait exposer à ce jeu une somme même modique, cinquante francs, par exemple. D’où vient cette différence entre le résultat du calcul et l’indication du sens commun ? On reconnut bientôt qu’elle tenait à ce que l’avantage moral qu’un bien nous procure n’est pas proportionnel à ce bien, et qu’il dépend de mille circonstances souvent très difficiles à définir, mais dont la plus générale et la plus importante est celle de la fortune. En effet, il est visible qu’un franc a beaucoup plus de prix pour celui n’en a que cent, que pour un millionnaire. On doit donc distinguer dans le bien espéré sa valeur absolue de sa valeur relative : celle-ci se règle sur les motifs qui le font désirer, au lieu que la première en est indépendante. On ne peut donner de principe général, pour apprécier cette valeur relative.