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essai philosophique

Si l’on considère avec attention la série des objets de même nature, on aperçoit entre eux, et dans leurs changemens, des rapports qui se manifestent de plus en plus à mesure que la série se prolonge, et qui, en s’étendant et se généralisant sans cesse, conduisent enfin au principe dont ils dérivent. Mais souvent ces rapports sont enveloppés de tant de circonstances étrangères, qu’il faut une grande sagacité pour les démêler et pour remonter à ce principe : c’est en cela que consiste le véritable génie des sciences. L’Analyse et la Philosophie naturelle doivent leurs plus importantes découvertes à ce moyen fécond que l’on nomme induction. Newton lui a été redevable de son théorème du binome, et du principe de la gravitation universelle. Il est difficile d’apprécier la probabilité des résultats de l’induction, qui se fonde sur ce que les rapports les plus simples sont les plus communs : c’est ce qui se vérifie dans les formules de l’Analyse, et ce que l’on retrouve dans les phénomènes naturels, dans la cristallisation et dans les combinaisons chimiques. Cette simplicité de rapports ne paraîtra point étonnante, si l’on considère que tous les effets de la nature ne sont que les résultats mathématiques d’un petit nombre de lois immuables.