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sont la suite naturelle. Les actes que le goût d’une chose nous fait exécuter fréquemment, augmentent l’intensité de ce goût, et le transforment souvent en passion.

On voit par ce qui précède, combien notre croyance dépend de nos habitudes. Accoutumés à juger et à nous conduire d’après un certain genre de probabilités, nous donnons à ces probabilités notre assentiment, comme par instinct, et elles nous déterminent avec plus de force que des probabilités bien supérieures, résultats de la réflexion ou du calcul. Pour diminuer autant qu’il est possible cette cause d’illusion, il faut appeler l’imagination et les sens au secours de la raison. Que l’on figure par des lignes les probabilités respectives, on sentira beaucoup mieux leur différence. Une ligne qui représenterait la probabilité du témoignage sur lequel un fait extraordinaire est appuyé, placée à côté de la ligne qui représenterait l’invraisemblance de ce fait, rendrait très sensible la probabilité de l’erreur du témoignage ; comme un tableau dans lequel les hauteurs des montagnes sont rapprochées, donne une idée frappante des rapports de ces hauteurs. Ce moyen peut être employé dans plusieurs cas avec succès. Pour rendre sensible l’immensité de l’univers, que l’on représente par une quantité presque impercep-