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essai philosophique

semblable persuade à beaucoup de monde que l’on peut gagner sûrement à la loterie, en plaçant chaque fois, sur un même numéro jusqu’à sa sortie, une mise dont le produit surpasse la somme de toutes les mises. Mais quand même de semblables spéculations ne seraient pas souvent arrêtées par l’impossibilité de les soutenir, elles ne diminueraient point le désavantage mathématique des spéculateurs, et elles accroîtraient leur désavantage moral, puisqu’à chaque tirage ils exposeraient une plus grande partie de leur fortune.

J’ai vu des hommes désirant ardemment d’avoir un fils, n’apprendre qu’avec peine les naissances des garçons dans le mois où ils allaient devenir pères. S’imaginant que le rapport de ces naissances à celles des filles devait être le même à la fin de chaque mois, ils jugeaient que les garçons déjà nés rendaient plus probables les naissances prochaines des filles. Ainsi l’extraction d’une boule blanche d’une urne qui renferme un nombre limité de boules blanches et de boules noires, accroît la probabilité d’extraire une boule noire au tirage suivant. Mais cela cesse d’avoir lieu quand le nombre des boules de l’urne est illimité, comme on doit le supposer, pour assimiler ce cas à celui des