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sur les probabilités.

d’un meilleur sort, expose à ce jeu son nécessaire, en s’attachant aux combinaisons les plus défavorables, qui lui promettent un grand bénéfice. Tous seraient sans doute effrayés du nombre immense des mises perdues, s’ils pouvaient les connaître ; mais on prend soin, au contraire, de donner aux gains une grande publicité, qui devient une nouvelle cause d’excitation à ce jeu funeste.

Lorsqu’à la loterie de France un numéro n’est pas sorti depuis long-temps, la foule s’empresse de le couvrir de mises. Elle juge que le numéro resté long-temps sans sortir doit, au prochain tirage, sortir de préférence aux autres. Une erreur aussi commune me paraît tenir à une illusion par laquelle on se reporte involontairement à l’origine des évènemens. Il est, par exemple, très peu vraisemblable qu’au jeu de croix ou pile on amènera croix dix fois de suite. Cette invraisemblance, qui nous frappe encore lorsqu’il est arrivé neuf fois, nous porte à croire qu’au dixième coup pile arrivera. Cependant le passé, en indiquant dans la pièce une plus grande pente pour croix que pour pile, rend le premier de ces évènemens plus probable que l’autre : il augmente, comme on l’a vu, la probabilité d’amener croix au coup suivant. Une illusion