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essai philosophique

contraires, sont des sources abondantes d’illusions dangereuses.

Les maux présens et la cause qui les fait naître, nous affectent beaucoup plus que le souvenir des maux produits par la cause contraire ; ils nous empêchent d’apprécier avec justesse les inconvéniens des uns et des autres, et la probabilité des moyens propres à nous en préserver. C’est ce qui porte alternativement vers le despotisme et vers l’anarchie les peuples sortis de l’état de repos, dans lequel ils ne rentrent jamais qu’après de longues et cruelles agitations.

Cette impression vive que nous recevons de la présence des évènemens, et qui nous laisse à peine remarquer les évènemens contraires observés par d’autres, est une cause principale d’erreur dont on ne peut trop se garantir.

C’est principalement au jeu qu’une foule d’illusions entretient l’espérance et la soutient contre les chances défavorables. La plupart de ceux qui mettent aux loteries, ne savent pas combien de chances sont à leur avantage, combien leur sont contraires. Ils n’envisagent que la possibilité, pour une mise légère, de gagner une somme considérable ; et les projets que leur imagination enfante, exagèrent à leurs yeux la probabilité de l’obtenir : le pauvre surtout, excité par le désir