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régularité, que ne doit point altérer la petite rivière qui vient se perdre dans la rade immense de ce port. Frappé de cette régularité, je priai le Gouvernement d’ordonner à Brest une nouvelle série d’observations pendant une période entière du mouvement des nœuds de l’orbite lunaire : c’est ce que l’on a bien voulu faire. Ces observations datent du Ier juin 1806, et depuis cette époque elles ont été continuées sans interruption jusqu’à ce jour, ce qui excède déjà la moitié de la période dont je viens de parler. Elles m’offraient une occasion trop favorable d’appliquer mes formules de probabilité à l’un des plus grands phénomènes de la nature, pour ne pas la saisir : j’ai trouvé qu’elles indiquaient, avec une extrême probabilité, les lois des hauteurs et des intervalles des marées, relatives aux phases de la Lune, aux saisons et aux distances de la Lune et du Soleil à la Terre. Ces observations présentent à cet égard le plus parfait accord avec les observations faites un siècle auparavant. Elles s’accordent également bien avec la loi générale de la pesanteur, à laquelle on eût pu remonter par leur seul moyen.

La théorie des marées, que j’ai donnée d’après cette loi, dans le Livre IV de la Mécanique céleste, repose sur un principe de Dynamique, qui la rend très simple et indépendante des circonstances locales du port, circonstances trop compliquées pour qu’il soit possible de les soumettre au calcul. Au moyen de ce principe, elles entrent comme arbitraires dans les résultats de l’Analyse, qui doivent ainsi représenter les observations, si la gravitation universelle est en effet la véritable cause du flux et du reflux de la mer. Voici quel est ce principe, qui peut s’appliquer à beaucoup d’autres phénomènes : L’état d’un système de corps, dans lequel les conditions primitives du mouvement ont disparu par les résistances qu’il éprouve, est périodique comme les forces qui l’animent. En réunissant ce principe à celui de la coexistence des oscillations très petites, je suis parvenu à une expression de la hauteur des marées, dont les arbitraires comprennent l’effet des circonstances locales du port. Les nombreuses variétés des marées et les modifications qu’elles reçoivent de ces circonstances sont toutes repré-