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Saturne, La période d’une inégalité qui aurait cet argument serait d’environ neuf siècles. À la vérité, son coefficient serait de l’ordre des cubes des excentricités des orbites ; mais je savais qu’en vertu des intégrations successives, il acquiert pour diviseur le carré du très petit multiplicateur du temps dans l’argument de cette inégalité, ce qui peut lui donner une grande valeur ; l’existence de cette inégalité me parut donc très probable. La remarque suivante accrut encore sa probabilité. En supposant son argument nul vers l’époque des observations de Tycho Brahe, je vis que Halley avait dû trouver, par la comparaison des observations modernes aux anciennes, les altérations qu’il avait indiquées, tandis que la comparaison des observations modernes entre elles devait offrir des altérations contraires et pareilles à celles que Lambert avait conclues de cette comparaison. Je n’hésitai donc point à entreprendre le calcul long et pénible, nécessaire pour m’assurer de l’existence de cette inégalité. Elle fut entièrement confirmée par le résultat de ce calcul, qui, de plus, me fit connaître un grand nombre d’autres inégalités dont l’ensemble a porté les Tables de Jupiter et de Saturne à la précision des observations mêmes.

Ce fut encore au moyen du Calcul des Probabilités que je reconnus la loi remarquable des mouvements moyens des trois premiers satellites de Jupiter, suivant laquelle la longitude moyenne du premier, moins trois fois celle du second, plus deux fois celle du troisième, est rigoureusement égale à la demi-circonférence. L’approximation avec laquelle les moyens mouvements de ces astres satisfont à cette loi depuis leur découverte indiquait son existence avec une vraisemblance extrême ; j’en cherchai donc la cause dans leur action mutuelle. L’examen approfondi de cette action me fit voir qu’il a suffi qu’à l’origine les rapports de leurs moyens mouvements aient approché de cette loi, dans certaines limites, pour que leur action mutuelle l’ait établie et la maintienne en rigueur. Ainsi ces trois corps se balanceront éternellement dans l’espace suivant la loi précédente, à moins que des causes étrangères, telles que les comètes, ne viennent changer brusquement leurs mouvements autour de Jupiter.