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l’habitude des jugements criminels, compense les inconvénients attachés à l’inexpérience des jurés. Dans un jury de douze membres, si la pluralité exigée pour la condamnation est de huit voix sur douze, la probabilité de l’erreur à craindre est ou un peu moindre que elle est à peu près-si cette pluralité est de neuf voix. Dans le cas de l’unanimité, la probabilité de l’erreur à craindre est c’est-à-dire plus de mille fois moindre que dans nos jurys.

La solution du problème que nous venons de considérer ne suffit pas pour fixer la majorité convenable, dans un tribunal d’un nombre quelconque de juges. Il faut, pour cela, connaître la probabilité du délit au-dessous de laquelle un accusé ne peut être condamné, sans que les citoyens aient plus à redouter les erreurs des tribunaux, que les attentats qui pourraient naître de l’impunité d’un coupable absous. Il faut ensuite déterminer la probabilité du délit résultante de la décision du tribunal et fixer la majorité de manière que ces probabilités soient égales. Mais il est impossible de les obtenir. La première est, comme nous l’avons dit, relative à la position dans laquelle la société se trouve, position variable, très difficile à bien définir et toujours trop compliquée pour être soumise au calcul. La seconde dépend d’une chose entièrement inconnue, la loi de probabilité de l’opinion de chaque juge dans l’estimation qu’il fait de la probabilité du délit. Vu notre ignorance de ces deux éléments du calcul, quoi de plus raisonnable que de partir de la solution du seul problème que nous puissions résoudre dans cette matière, celui de la probabilité de l’erreur de la décision d’un tribunal ? Cette probabilité me paraît trop forte dans nos tribunaux, et je pense qu’à cet égard il convient de se rapprocher du jury anglais où elle n’est que En la fixant à la fraction et en déterminant la majorité nécessaire pour l’atteindre, on place l’accusé dans la position où il serait vis-à-vis d’un jury de neuf membres, dont on exigerait l’unanimité ; ce qui me paraît garantir suffisamment l’innocence des erreurs des tribunaux, et la société des maux que produirait l’impunité des coupables. Il doit être extrêmement rare alors qu’un accusé soit condamné avec une probabilité moindre que celle