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vers, et Halley, ayant reconnu l’identité de la comète avec celles des années 1531, 1607 et 1682, annonça son prochain retour pour la fin de 1758 ou le commencement de 1759. Le monde savant attendit avec impatience ce retour, qui devait confirmer l’une des plus grandes découvertes que l’on eût faites dans les sciences, et accomplir la prédiction de Sénèque, lorsqu’il a dit, en parlant de la révolution de ces astres qui descendent d’une énorme distance : « Le jour viendra que, par une étude suivie, de plusieurs siècles, les choses actuellement cachées paraîtront avec évidence, et la postérité s’étonnera que des vérités si claires nous aient échappé. » Clairaut entreprit alors de soumettre à l’Analyse les perturbations que la comète avait éprouvées par l’action des deux plus grosses planètes, Jupiter et Saturne : après d’immenses calculs, il fixa son prochain passage au périhélie vers le commencement d’avril 1759, ce que l’observation ne tarda pas à vérifier. La régularité que l’Astronomie nous montre dans le mouvement des comètes a lieu, sans aucun doute, dans tous les phénomènes. La courbe décrite par une simple molécule d’air ou de vapeurs est réglée d’une manière aussi certaine que les orbites planétaires : il n’y a de différence entre elles que celle qu’y met notre ignorance.

La probabilité est relative en partie à cette ignorance, en partie à nos connaissances. Nous savons que, sur trois ou un plus grand nombre d’événements, un seul doit arriver ; mais rien ne porte à croire que l’un d’eux arrivera plutôt que les autres. Dans cet état d’indécision, il nous est impossible de prononcer avec certitude sur leur arrivée. Il est cependant probable qu’un de ces événements pris à volonté n’arrivera pas, parce que nous voyons plusieurs cas également possibles qui excluent son existence, tandis qu’un seul la favorise.

La théorie des hasards consiste à réduire tous les événements du même genre à un certain nombre de cas également possibles, c’est à-dire tels que nous soyons également indécis sur leur existence, et à déterminer le nombre de cas favorables à l’événement dont on cherche la probabilité. Le rapport de ce nombre à celui de tous les cas possibles est la mesure de cette probabilité, qui n’est ainsi qu’une fraction