Page:Laplace - Œuvres complètes, Gauthier-Villars, 1878, tome 7.djvu/166

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

constantes, quel que soit leur nombre, ce qui complète l’application du Calcul des Probabilités aux résultats des observations.

Je dois ici faire une remarque importante. La petite incertitude que les observations, quand elles ne sont pas très multipliées, laissent sur les valeurs des constantes dont je viens de parler, rend un peu incertaines les probabilités déterminées par l’Analyse. Mais il suffit presque toujours de connaître si la probabilité que les erreurs des résultats obtenus sont renfermées dans d’étroites limites approche extrêmement de l’unité, et quand cela n’est pas, il suffit de savoir jusqu’à quel point on doit multiplier les observations pour acquérir une probabilité telle qu’il ne reste sur la bonté des résultats aucun doute raisonnable. Les formules analytiques des probabilités remplissent parfaitement cet objet, et sous ce rapport elles peuvent être envisagées comme le complément nécessaire des sciences fondées sur un ensemble d’observations susceptibles d’erreur. Elles sont même indispensables pour résoudre un grand nombre de questions dans les sciences naturelles et morales. Les causes régulières des phénomènes sont le plus souvent ou inconnues ou trop compliquées pour être soumises au calcul ; souvent encore leur action est troublée par des causes accidentelles et irrégulières ; mais elle reste toujours empreinte dans les événements produits par toutes ces causes, et elle y apporte des modifications qu’une longue suite d’observations peut déterminer. L’Analyse des Probabilités développe ces modifications et assigne leurs degrés de vraisemblance. Ainsi, au milieu des causes irrégulières qui agitent l’atmosphère, les changements périodiques de la chaleur solaire du jour à la nuit et de l’hiver à l’été produisent, dans la pression de cette grande masse fluide et dans la hauteur correspondante du baromètre, des oscillations diurnes et annuelles, que de nombreuses observations barométriques ont fait connaître avec une probabilité au moins égale à celle des faits que nous regardons comme certains. C’est encore ainsi que la série des événements historiques nous montre l’action constante des grands principes de la morale, au milieu des passions et des intérêts divers qui agitent en tous sens les sociétés. Il est remarquable qu’une