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par la nature et fortifié par des comparaisons nombreuses de ses indications avec l’expérience, tels sont les principaux moyens de parvenir à la vérité.

Si l’on considère avec attention la série de » objets de même nature, on aperçoit entre eux et dans leurs changements des rapports qui se manifestent de plus en plus à mesure que la série se prolonge, et qui, en s’étendant et se généralisant sans cesse, conduisent enfin au principe dont ils dérivent. Mais souvent ces rapports sont enveloppés de tant de circonstances étrangères, qu’il faut une grande sagacité pour les démêler et pour remonter à ce principe : c’est en cela que consiste le véritable génie des sciences. L’Analyse et la Philosophie naturelle doivent leurs plus importantes découvertes à ce moyen fécond que l’on nomme induction. Newton lui a été redevable de son théorème du binôme et du principe de la gravitation universelle. Il est difficile d’apprécier la probabilité des résultats de l’induction qui se fonde sur ce que les rapports les plus simples sont les plus communs : c’est ce qui se vérifie dans les formules de l’Analyse, et ce que l’on retrouve dans les phénomènes naturels, dans la cristallisation et dans les combinaisons chimiques. Cette simplicité de rapports ne paraîtra point étonnante, si l’on considère que tous les effets de la nature ne sont que les résultats mathématiques d’un petit nombre de lois immuables.

Cependant l’induction, en faisant découvrir les principes généraux des sciences, ne suffit pas pour les établir en rigueur. Il faut toujours les confirmer par des démonstrations ou par des expériences décisives ; car l’histoire des sciences nous montre que l’induction a quelquefois conduit à des résultats inexacts. Je citerai, pour exemple, un théorème de Fermât sur les nombres premiers. Ce grand géomètre, qui avait profondément médité sur leur théorie, cherchait une formule qui, ne renfermant que des nombres premiers, donnât directement un nombre premier plus grand qu’aucun nombre assignable. L’induction le conduisit à penser que deux, élevé à une puissance qui était elle-même une puissance de deux, formait avec l’unité un nombre premier. Ainsi deux élevé au carré, plus un, forme le nombre premier cinq ; deux