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l’expérience. Les mouvements qu’elles impriment au système musculaire et que ce système communique aux corps étrangers sont, comme dans le développement des ressorts, tels que le centre commun de gravité de notre corps et de ceux qu’il fait mouvoir reste immobile. Ces vibrations se superposent les unes aux autres, comme on voit les ondulations des fluides se mêler sans se confondre. Elles se communiquent aux individus comme les vibrations d’un corps sonore aux corps qui l’environnent. Les idées complexes se forment de leurs idées simples, comme le flux de la mer se forme des flux partiels que produisent le Soleil et la Lune. L’hésitation entre des motifs opposés est un équilibre de forces égales. Les changements brusques que l’on produit dans le sensorium éprouvent la résistance qu’un système matériel oppose à des changements semblables, etsi l’on veut éviter les secousses et ne pas perdre de force vive, il faut agir, comme dans ce système, par nuances insensibles. Une attention forte et continue épuise le sensorium, comme une longue suite de commotions épuise une pile voltaïque, ou l’organe électrique des poissons. Presque toutes les comparaisons que nous tirons des objets matériels, pour rendre sensibles les choses intellectuelles, sont au fond des identités.

Je désire que les considérations précédentes, tout imparfaites qu’elles sont, puissent attirer l’attention des observateurs philosophes sur les lois du sensorium ou du monde intellectuel, lois qu’il nous importe autant d’approfondir que celles du monde physique. On a imaginé des hypothèses à peu près semblables, pour expliquer les phénomènes de ces deux mondes. Mais, les fondements de ces hypothèses échappant à tous nos moyens d’observation et de calcul, on peut à leur égard dire avec Montaigne que l’ignorance et l’incuriosité sont deux oreillers bien doux pour reposer une tête bien faite.


Des divers moyens d’approcher de la certitude.

L’induction, l’analogie des hypothèses fondées sur les faits et rectifiées sans cesse par de nouvelles observations, un tact heureux donné