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dont les phénomènes si variés de la lumière et de l’électricité nous donnent quelque idée. Mais, en appliquant aux observations du sens interne, qui peut seul les apercevoir, la méthode dont on a fait usage pour les observations des sens externes, on pourra porter dans la théorie de l’entendement humain la même exactitude que dans les autres branches de la Philosophie naturelle.

Déjà quelques-uns des principes[1] de Psychologie ont été reconnus et développés avec succès. Telle est la tendance de tous les êtres semblablement organisés à se mettre entre eux en harmonie. Cette tendance, qui constitue la sympathie, existe même entre des animaux d’espèces diverses ; elle diminue à mesure que leur organisation est plus dissemblable. Parmi les êtres doués d’une même organisation, quelques-uns se coordonnent plus promptement entre eux qu’avec les autres. La nature inorganique nous offre de semblables phénomènes : deux pendules ou deux montres dont la marche est très peu différente, étant placées sur un même support, finissent par avoir exactement la même marche, et dans un système de cordes sonores, les vibrations de l’une d’elles font résonner toutes ses harmoniques. Ces effets, dont les causes bien connues ont été soumises au calcul, donnent une idée juste de la sympathie qui dépend de causes bien plus compliquées.

Un sentiment agréable accompagne presque toujours les mouvements sympathiques. Dans la plupart des espèces d’animaux, les individus s’attachent ainsi les uns aux autres et se réunissent en sociétés. Dans l’espèce humaine, les imaginations fortes ressentent un vrai bonheur à dominer les imaginations faibles, qui n’en ressentent pas moins à leur obéir. Les sentiments sympathiques excités à la fois dans un grand nombre d’individus s’accroissent par leur réaction mutuelle, comme on l’observe au théâtre. Le plaisir qui en résulte rapproche les personnes d’opinions semblables, que leur réunion exalte quelquefois jusqu’au fanatisme. De là naissent les sectes, la ferveur qu’elles excitent et la rapidité de leur propagation. Elles offrent dans l’histoire les plus

  1. Je désigne ici par la dénomination de principes les rapports généraux des phénomènes.