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ordre est troublé par diverses causes qu’un examen attentif fait apercevoir, et qu’il est impossible de soumettre au calcul.

Les actions de l’Océan, de l’atmosphère et des météores, les tremblements de terre et les éruptions de volcans agitent sans cesse la surface terrestre et doivent y opérer à la longue des changements considérables. La température des climats, le volume de l’atmosphère et la proportion des gaz qui la constituent peuvent varier d’une manière insensible. Les instruments et les moyens propres à déterminer ces variations étant nouveaux, l’observation n’a pu jusqu’ici rien nous apprendre à cet égard. Mais il est très peu vraisemblable que les causes qui absorbent et renouvellent les gaz constitutifs de notre air en maintiennent exactement les quantités respectives. Une longue suite de siècles fera connaître les altérations qu’éprouvent tous ces éléments si essentiels à la conservation des êtres organisés. Quoique les monuments historiques ne remontent pas à une très haute antiquité, ils nous offrent cependant d’assez grands changements survenus par l’action lente et continue des agents naturels. En fouillant dans les entrailles de la Terre, on découvre de nombreux débris d’une nature jadis vivante et toute différente de la nature actuelle. D’ailleurs, si la Terre entière a été primitivement fluide, comme tout paraît l’indiquer, on conçoit qu’en passant de cet état à celui qu’elle a maintenant, sa surface a dû éprouver de prodigieux changements. Le ciel même, malgré l’ordre de ses mouvements, n’est pas inaltérable. La résistance de la lumière et des autres fluides éthérés et l’attraction des étoiles doivent, après un très grand nombre de siècles, considérablement altérer les mouvements planétaires. Les variations déjà observées dans les étoiles et dans la forme des nébuleuses font pressentir celles que le temps développera dans le système de ces grands corps. On peut représenter les états successifs de l’univers par une courbe dont le temps serait l’abscisse, et dont les ordonnées exprimeraient ces divers états. Connaissant à peine un élément de cette courbe, nous sommes loin de pouvoir remonter à son origine, et si, pour reposer l’imagination toujours inquiète d’ignorer la cause des phénomènes qui l’intéressent, on hasarde quelques