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intérêt perpétuel à la même caisse. Il est clair que ce capital sera dû par la caisse à ses héritiers, à la fin de l’année de sa mort ; mais elle n’aura payé, chaque année, que l’excès de l’intérêt viager sur l’intérêt perpétuel. La Table des rentes viagères fera donc connaître ce que la personne doit payer annuellement à la caisse, pour assurer ce capital après sa mort.

Les assurances maritimes, celles contre les incendies et les orages, et généralement tous les établissements de ce genre, se calculent par les mêmes principes. Un négociant a des vaisseaux en mer, il veut assurer leur valeur et celle de leur cargaison contre les dangers qu’ils peuvent courir ; pour cela, il donne une somme à une compagnie qui lui répond de la valeur estimée de ses cargaisons et de ses vaisseaux. Le rapport de cette valeur à la somme qui doit être donnée pour prix de l’assurance dépend des dangers auxquels les vaisseaux sont exposés, et ne peut être apprécié que par des observations nombreuses sur le sort des vaisseaux partis du port pour la même destination.

Si les personnes assurées ne donnaient à la compagnie d’assurances que la somme indiquée par le Calcul des Probabilités, cette compagnie ne pourrait pas subvenir aux dépenses de son établissement ; il faut donc qu’elles payent d’une somme plus forte le prix de leur assurance. Mais alors quel est leur avantage ? C’est ici que la considération du désavantage moral attaché à l’incertitude devient nécessaire. On conçoit que le jeu le plus égal devenant, comme on l’a vu précédemment, désavantageux parce que le joueur échange une mise certaine contre un bénéfice incertain, l’assurance par laquelle on échange l’incertain contre le certain doit être avantageuse. C’est, en effet, ce qui résulte de la règle que nous avons donnée ci-dessus pour déterminer l’espérance morale, et par laquelle on voit, de plus, jusqu’où peut s’étendre le sacrifice que l’on doit faire à la compagnie d’assurances, en conservant toujours un avantage moral. Cette compagnie peut donc, en procurant cet avantage, faire elle-même un grand bénéfice, si le nombre des assurés est très considérable, condition nécessaire à son existence durable. Alors son bénéfice devient certain, et ses espérances mathé-