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réel sera compris dans des limites déterminées, expression qui rentre dans la loi générale de la probabilité que nous avons donnée ci-dessus, en parlant des probabilités qui résultent de la multiplication indéfinie des événements.

C’est de la vérité du théorème précédent que dépend la stabilité des établissements fondés sur les probabilités. Mais, pour qu’il puisse leur être appliqué, il faut que ces établissements, par de nombreuses affaires, multiplient les événements avantageux.

On a fondé sur les probabilités de la vie humaine divers établissements, tels que les rentes viagères et les tontines. La méthode la plus générale et la plus simple de calculer les bénéfices et les charges de ces établissements consiste à les réduire en capitaux actuels. L’intérêt annuel de l’unité est ce que l’on nomme taux de l’intérêt. À la fin de chaque année, un capital acquiert pour facteur l’unité plus le taux de l’intérêt ; il croît donc suivant une progression géométrique dont ce facteur est la raison. Ainsi, par l’effet du temps, il devient immense. Si, par exemple, le taux de l’intérêt est ou de cinq pour cent, le capital double à fort peu près en quatorze ans, quadruple en vingt-neuf ans, et dans moins de trois siècles, il devient deux millions de fois plus considérable.

Un accroissement aussi prodigieux a fait naître l’idée de s’en servir, pour amortir la dette publique. Si l’on crée un premier fonds d’amortissement que l’on place sans cesse avec les intérêts, sur les effets publics, en profitant surtout des moments de baisse, et si, lorsque les besoins de l’État obligent à faire des emprunts, on en consacre une partie à l’accroissement du fonds d’amortissement, il est visible que ces opérations auront le double avantage d’accroître ce fonds et de soutenir le crédit et les effets publics, et qu’à la longue, la caisse d’amortissement absorbera une grande partie de la dette nationale. D’heureuses expériences ont pleinement confirmé ces avantages. Mais la fidélité dans les engagements et la stabilité, si nécessaires au succès de pareils établissements, ne peuvent être bien garanties que par un gouvernement dans lequel la puissance législative est divisée en plui