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progressive de la population est arrêtée. Dans toutes les espèces d’animaux et de végétaux, la nature tend sans cesse à augmenter le nombre des individus, jusqu’à ce qu’ils soient au niveau des moyens de subsister. Dans l’espèce humaine, les causes morales ont une grande influence sur la population. Si le sol, par de faciles défrichements, peut fournir une nourriture abondante à des générations nouvelles, la certitude de faire vivre une nombreuse famille encourage les mariages et les rend plus précoces et plus féconds. Sur un sol pareil, la population et les naissances doivent croître à la fois en progression géométrique. Mais, quand les défrichements deviennent plus difficiles et plus rares, alors l’accroissement de la population diminue ; elle se rapproche continuellement de l’état variable des subsistances, en faisant autour de lui des oscillations, à peu près comme un pendule, dont on promène d’un mouvement retardé le point de suspension, oscille autour de ce point par sa pesanteur. Il est difficile d’évaluer le maximum d’accroissement de la population ; il paraît, d’après quelques observations, que dans de favorables circonstances la population de l’espèce humaine pourrait doubler tous les quinze ans. On estime que, dans l’Amérique septentrionale, la période de ce doublement est de vingt-deux années. Dans cet état de choses, la population, les naissances, les mariages, la mortalité, tout croît suivant la même progression géométrique dont on a le rapport constant des termes consécutifs par l’observation des naissances annuelles à deux époques.

Une Table de mortalité représentant les probabilités de la vie humaine, on peut déterminer à son moyen la durée des mariages. Supposons, pour simplifier, que la mortalité soit la même pour les deux sexes, on aura la probabilité que le mariage subsistera un an, ou deux, ou trois, …, en formant une suite de fractions dont le dénominateur commun soit le produit des deux nombres de la Table, correspondants aux âges des conjoints, et dont les numérateurs soient les produits successifs des nombres correspondants à ces âges augmentés d’une, de deux, de trois, ... années. La somme de ces fractions, augmentée d’un demi, sera la durée moyenne du mariage, l’année étant prise pour