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XIII
PRÉFACE.

brasse maintenant dans ses formules l’ensemble du système planétaire et de ses variations successives ; il remonte par la pensée aux divers états qu’il a subis dans les temps les plus reculés, et redescend à tous ceux que les temps à venir développeront aux observateurs. Il voit ce sublime spectacle, dont la période embrasse des millions d’années, se renouveler en peu de siècles dans le système des satellites de Jupiter, par la promptitude de leurs révolutions, et produire de singuliers phénomènes, entrevus par les astronomes, mais trop composés ou trop lents pour qu’ils en aient pu déterminer les lois. La théorie de la pesanteur, devenue, par tant d’applications, un moyen de découvertes aussi certain que l’observation elle-même, lui a fait connaître plusieurs inégalités nouvelles, et prédire le retour de la comète de 1759, dont l’action de Jupiter et de Saturne rend les révolutions très-inégales. Par ce moyen, il a su tirer des observations, comme d’une mine féconde, un grand nombre d’éléments importants et délicats, qui, sans l’Analyse, y resteraient éternellement cachés. Telles sont les valeurs respectives des masses du Soleil, des planètes et des satellites, déterminées par les révolutions de ces différents corps et par le développement de leurs inégalités périodiques et séculaires ; la vitesse de la lumière et l’ellipticité de Jupiter, données par les éclipses de ses satellites, avec plus de précision que par l’observation directe ; la rotation et l’aplatissement d’Uranus et de Saturne, conclus de la position dans un même plan des différents corps qui circulent autour de ces deux planètes. Telles sont encore les parallaxes du Soleil et de la Lune, et la figure même de la Terre, déduites des inégalités lunaires ; car on verra dans la suite que la Lune, par ses mouvements, décèle à l’Astronomie perfectionnée la petite ellipticité du sphéroïde terrestre, dont elle fit connaître la rondeur aux premiers astronomes par ses éclipses. Enfin, par une combinaison heureuse de l’Analyse avec les observations, cet astre, qui semble avoir été donné à la Terre pour l’éclairer pendant les nuits, devient encore le guide le plus assuré du navigateur, qu’il garantit des dangers auxquels il fut exposé longtemps par les erreurs de son estime. La perfection de la théorie et des Tables lunaires, à laquelle