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XI
PRÉFACE.

et sous ce rapport, il fut utile à la Science. Telle est la faiblesse de l’esprit humain, qu’il a souvent besoin de s’aider d’hypothèses, pour lier les faits entre eux. En bornant les hypothèses à cet usage, en évitant de leur attribuer une réalité qu’elles n’ont point, et en les rectifiant sans cesse par de nouvelles observations, on parvient enfin aux véritables causes, ou du moins aux lois des phénomènes. L’histoire de la Philosophie nous offre plus d’un exemple des avantages que peuvent ainsi procurer les hypothèses, et des erreurs auxquelles on s’expose en les réalisant. Vers le milieu du xvie siècle, Copernic, en démêlant dans les apparences les mouvements réels de la Terre autour du Soleil et sur elle-même, montra sous un nouveau point de vue l’univers, et changea la face de l’Astronomie. Un concours inouï de découvertes a rendu mémorable à jamais dans l’histoire des sciences le siècle suivant, d’ailleurs illustré par tant de chefs-d’œuvre en littérature et dans les beaux-arts. Kepler reconnut les lois du mouvement elliptique des planètes ; le télescope, trouvé par le plus heureux des hasards et perfectionné aussitôt par Galilée, lui fit voir dans les cieux de nouvelles inégalités et de nouveaux mondes ; l’application que fit Huyghens du pendule aux horloges, et celle des lunettes au quart de cercle, en donnant des mesures précises des angles et de la durée, rendirent sensibles les plus petites inégalités des mouvements célestes. En même temps que l’observation offrait à l’esprit humain de nouveaux phénomènes, il créa, pour les expliquer et les soumettre au calcul, de nouveaux instruments de la pensée. Néper inventa les logarithmes ; l’Analyse des courbes et la Dynamique prirent naissance dans les mains de Descartes et de Galilée ; Newton découvrit le Calcul différentiel, décomposa la lumière et s’éleva au principe général de la pesanteur. Dans le siècle qui vient de s’écouler, les successeurs de ce grand homme ont achevé l’édifice dont il avait posé les fondements. Ils ont perfectionné l’Analyse infinitésimale, inventé le Calcul aux différences partielles infiniment petites et finies, et réduit en formules la Mécanique entière. En appliquant ces découvertes à la loi de la pesanteur, ils ont ramené à cette loi tous les phénomènes célestes, et donné aux théories