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que la matière lumineuse sur laquelle elles surnagent ; et dans la l’ormation quelconque des planètes, les matières les plus denses se sont portées vers le centre, lorsque toute la masse était fluide. Ainsi, la couche supérieure de la Terre étant à peu près deux fois plus dense que l’eau, et les couches inférieures devenant, à mesure qu’elles sont plus profondes, trois, quatre et même cinq fois plus denses, il est vraisemblable que la masse entière de la Terre est cinq ou six fois plus grande que si elle était formée d’eau. »

Les théories de la figure des planètes et des oscillations des fluides qui les recouvrent, considérablement perfectionnées depuis Newton, ont confirmé cet aperçu. Elles établissent que, pour la stabilité de l’équilibre des mers, leur densité doit être moindre que la moyenne densité de la Terre : comme je l’ai fait voir dans le quatrième Livre de la Mécanique céleste. Malgré les irrégularités que présentent les degrés mesurés des méridiens, ils indiquent cependant un aplatissement moindre que celui qui convient à l’homogénéité de la Terre ; et la théorie prouve que cet aplatissement exige dans les couches terrestres une densité croissante de la surface au centre. Pareillement, les expériences du pendule, plus précises et plus concordantes que les mesures des degrés, indiquent un accroissement de la pesanteur, de l’équateur aux pôles, plus grand que dans le cas de l’homogénéité. Un théorème remarquable, auquel je suis parvenu (Tome II des Nouveaux Mémoires de l’Académie des Sciences) [1], rend ce résultat indépendant de la figure continue ou discontinue du sphéroïde terrestre, des irrégularités de sa surface, de la manière dont elle est recouverte en grande partie par la mer, et de la densité de ce fluide.

Si l’on imagine un fluide très rare qui, en s’élevant à une petite hauteur, enveloppe la Terre entière et ses montagnes, ce fluide prendra un état d’équilibre, et j’ai fait voir, dans le Tome cité [2], que les points de sa surface extérieure seront tous également élevés au-dessus de la mer. Les points intérieurs des continents, autant

  1. Œuvres de Laplace, T. XII, p. 415.
  2. Ibidem.