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nalières sa figure est celle qui correspond à cet équilibre. Je fais voir que toutes ces forces laissent subsister le théorème précédent. Mais ces forces étant incomparablement moindres que la force centrifuge, la variation qu’elles produisent dans la figure permanente de la Terre est insensible.

Si, par le centre de gravité supposé immobile d’un système de corps, on imagine un plan fixe, la somme des produits de chaque molécule par l’aire que sa projection décrit dans un temps donné est constante ; le plan du maximum de cette somme ou des aires est invariable ainsi que ce maximum. Concevons maintenant que ce système soit celui du sphéroïde terrestre, de la mer et de l’atmosphère, et que ces fluides ayant été primitivement agités d’une manière quelconque, les mouvements relatifs de leurs molécules se sont peu à peu détruits en vertu des obstacles qu’elles éprouvent à se mouvoir entre elles ; le système a pris à la longue une figure stable et un mouvement de rotation uniforme autour d’un axe fixe ; le plan invariable est devenu l’équateur terrestre et la vitesse de rotation est celle qui donne le maximum primitif et invariable des aires. On se formera une idée juste de la manière dont la Terre est parvenue à cet état en considérant qu’une légère résistance, proportionnelle aux vitesses relatives des molécules fluides, introduit dans les expressions analytiques de ces vitesses des exponentielles du temps décroissantes et qui finissent par amener un état permanent. Elles y parviennent d’autant plus vite que la densité des fluides est moindre que celle du sphéroïde qu’ils recouvrent, car j’ai prouvé, dans le quatrième Livre de la Mécanique céleste [1], que cette condition est indispensable pour la stabilité de l’équilibre des mers, en sorte qu’une petite agitation dans un océan de mercure, qui les remplacerait, suffirait pour le répandre sur les continents terrestres. Cette infériorité dans la densité de la mer est une suite de la fluidité primitive de la Terre, car alors les couches les plus denses ont dû se porter vers le centre. Cette consi-

  1. Œuvres de Laplace, T. II, p. 216.