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depuis longtemps. On sait que chacun de ces corps à trois axes principaux rectangulaires autour desquels le corps peut tourner uniformément, l’axe de rotation demeurant en repos. Mais cette propriété remarquable est-elle commune aux corps qui, comme la Terre, sont recouverts d’un fluide ? La condition de l’équilibre du fluide s’ajoute alors aux conditions des axes principaux, elle change la figure du corps lorsqu’on le fait tourner autour d’un axe différent. Il s’agit donc de savoir si, parmi tous les changements possibles, il en est un dans lequel l’axe de rotation et la figure du fluide sont invariables. La théorie que j’ai donnée dans le troisième Livre de la Mécanique céleste [1], sur l’attraction des sphéroïdes, m’a fourni le moyen de résoudre cette question délicate du système du monde ; elle m’a conduit au théorème suivant :

Supposons que la Terre soit un sphéroïde formé de couches de densités variables suivant une loi quelconque et recouvert d’un fluide. Imaginons un second sphéroïde qui pénétre le premier et dont les couches soient les mêmes, avec la seule différence que leurs densités soient diminuées de la densité du fluide. Si l’on fait tourner le premier sphéroïde autour de l’un des axes principaux du second sphéroïde, le fluide qui le recouvre pourra toujours être en équilibre et alors sa figure et l’axe de rotation seront invariables, en sorte que les trois axes principaux du sphéroïde imaginaire deviendront ceux de la Terre entière [2].

Les actions du Soleil et de la Lune influent sur la figure de la mer qui, par là, varie sans cesse. Parmi ces forces d’où naissent les phénomènes du flux et du reflux, quelques-unes sont constantes, d’autres changent avec lenteur. Celles qui sont rigoureusement constantes concourent, avec la force centrifuge, à produire la figure permanente de la Terre. Les forces lentement variables changent insensiblement cette figure et, vu la tendance de la mer à se remettre promptement en équilibre, on peut supposer qu’abstraction faite des oscillations jour-

  1. Œuvres de Laplace, T. II.
  2. Œuvres de Laplace, T. XII, p. 453 ; voir également T. V, Livre XI, Ch. III.