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petit qui forme la différentielle de sa chaleur. Mais il se présente ici une difficulté que l’on n’a point encore résolue. Les quantités de chaleur reçues et communiquées dans un instant ne peuvent être que des infiniment petits du même ordre que l’excès de température d’une lame sur celle de la lame qui la suit. La différence des chaleurs reçues et communiquées est donc un infiniment petit du second ordre, dont l’accumulation dans un temps fini ne pourrait élever d’une quantité finie la température de la lame. Cette difficulté est analogue à celle que présentaient les théories des réfractions astronomiques. On y supposait l’atmosphère divisée en couches d’une épaisseur infiniment petite, dans lesquelles la lumière se réfracte en passant d’une couche dans la suivante, comme si ces couches avaient une épaisseur finie, ce qui donne à leur action une valeur infiniment grande. Cette difficulté n’a point lieu dans la théorie des réfractions, que j’ai donnée dans le Livre X de la Mécanique céleste, où j’ai déduit cette théorie de l’action ad distans des molécules des milieux diaphanes sur la lumière. On fera pareillement disparaître la difficulté précédente relative à la chaleur, en étendant son action au delà du contact. L’expérience a fait connaître que cela a lieu dans l’air et dans les milieux rares, et que les corps chauds placés dans ces milieux transmettent leur chaleur aux corps éloignés par un rayonnement analogue à celui de la lumière par les corps lumineux. Il paraît naturel d’admettre ce rayonnement de la chaleur dans l’intérieur des corps denses ; seulement la chaleur rayonnante intérieure est totalement interceptée par les molécules très voisines de celle qui les échauffe, et dont l’action échauffante ne s’étend alors qu’à une très petite distance. C’est à l’expérience à nous apprendre si cette distance est perceptible ; nous la supposerons imperceptible, comme la sphère d’activité sensible de l’attraction moléculaire.

Imaginons présentement une barre cylindrique très mince et recouverte d’un vernis, qui ne permette point à sa chaleur de se répandre latéralement au dehors. Une lame infiniment mince de la barre, et perpendiculaire à sa longueur, sera échauffée par celles qui la pré-