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l’inconcevable activité de la force attractive. En considérant autrefois les tentatives infructueuses des géomètres pour expliquer l’équation séculaire de la Lune, je soupçonnai que la pesanteur n’agit pas de la même manière sur les corps en repos et en mouvement, et je trouvai que, si l’équation séculaire de la Lune provenait de cette cause, il faudrait supposer à cet astre une vitesse vers la Terre plusieurs millions de fois plus grande que celle de la lumière pour le soustraire à l’action de sa pesanteur. Maintenant que la vraie cause de l’équation séculaire de la Lune est connue, cette vitesse doit être beaucoup plus grande encore. Une aussi prodigieuse activité dans la force attractive de la Terre ne permet pas de penser que l’action de la Lune se transmet dans un ou deux jours à l’océan. Ce n’est donc point au temps de cette transmission, mais à celui que les impressions communiquées par les astres à la mer emploient à parvenir dans nos ports qu’il faut attribuer le retard observé des phénomènes des marées sur les phases de la Lune.

Jusqu’ici nous avons supposé le Soleil et la Lune mus d’une manière uniforme dans le plan de l’équateur ; faisons présentement varier leurs mouvements et leurs distances au centre de la Terre. En développant les expressions de leur action sur la mer, on peut en représenter les différents termes par les actions d’un même nombre d’astres mus uniformément à des distances constantes de la Terre ; il sera donc facile, par les principes que nous venons d’exposer, de déterminer le flux et le reflux de la mer correspondants aux inégalités des mouvements et des distances du Soleil et de la Lune. Si l’on soumet ainsi à l’analyse les phénomènes des marées, on trouve que les marées produites par ces deux astres augmentent en raison inverse du cube de leurs distances. Les marées doivent donc, toutes choses égales d’ailleurs, croître dans le périgée de la Lune et diminuer dans son apogée. Ce phénomène est très remarquable à Brest. La comparaison des observations m’a fait voir que, à minute de variation dans le demi-diamètre de la Lune, répondent de variation dans la marée totale, et ce résultat de l’observation est tellement conforme à celui de la