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encore. C’est ainsi que le flux et le reflux de la Méditerranée deviennent sensibles dans le golfe de Venise ; c’est encore ainsi que les marées, généralement fort petites dans les îles de la mer du Sud, sont fort grandes dans nos ports, et surtout à Saint-Malo. Plus les oscillations de la mer sont promptes, plus ces effets doivent augmenter, toutes choses égales d’ailleurs, puisqu’ils sont dus à la vitesse des eaux : ils sont presque nuls pour les oscillations très lentes ; mais ils doivent beaucoup influer sur celles dont la période est d’un demi-jour.

Les circonstances locales font encore varier considérablement l’heure de la marée dans des ports même fort voisins. Pour nous faire une juste idée de ces variétés, imaginons un large canal communiquant avec la mer et s’avançant très loin dans les terres. Il est visible que les ondulations qui ont lieu à son embouchure se propageront successivement dans toute sa longueur, en sorte que la figure de sa surface sera celle d’une suite d’ondes en mouvement qui se renouvelleront sans cesse, et qui parcourront leur longueur dans l’intervalle d’un demi-jour. Ces ondes produiront à chaque point du canal un flux et un reflux qui suivront les lois précédentes ; mais les heures du flux retarderont à mesure que les points seront plus éloignés de la mer. Ce que nous disons d’un canal peut s’appliquer aux fleuves dont la surface s’élève et s’abaisse par des ondes semblables, malgré le mouvement contraire de leurs eaux. On observe ces ondes dans toutes les rivières, près de leurs embouchures ; elles se propagent fort loin dans les grands fleuves, et au détroit du Pauxis, dans la rivière des Amazones, à lieues de la mer, elles sont encore sensibles.

Considérons présentement l’action de la Lune, et supposons que cet astre se meut uniformément dans le plan de l’équateur ; il est clair que son action doit exciter dans l’Océan un flux et un reflux semblable à celui qui résulte de l’action du Soleil ; or on sait que le mouvement total d’un système, agité par de très petites forces, est la somme des mouvements partiels que chaque force lui eût imprimés séparément ; ainsi des ondes légères excitées dans un bassin se mêlent sans se confondre ; une onde nouvelle se superpose à la précédente, comme elle